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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VIII, 1884.djvu/147

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

canadiens. La forte barrière de colons anglais placée, il y a cinquante ans, entre notre fleuve et le Vermont, le New-Hampshire, le Maine, est traversée de toute part ; nos gens débordent au delà des frontières. Ils avaient double obstacle à surmonter ; le premier n’existe presque plus ; le second est vivement entamé et les défenseurs de celui-ci vont en diminuant de jour en jour. Oh ! quel serait l’étonnement de nos pères s’ils voyaient ce que nous voyons ! Ces ruines de la colonie canadienne dont on a tant parlé, elles recouvraient des germes de vie ! Le Canada français est sorti du tombeau. Lorsque le vent emporte au loin les cendres de notre passé, elles répandent la semence d’un peuple.

Un projet de loi pour indemniser les habitants du Haut-Canada qui avaient souffert des pertes matérielles durant l’insurrection de 1837-38, passa en 1845 ; aussi une loi qui permettait aux censitaires de racheter certaines charges imposées par la tenure seigneuriale. De cette année date aussi notre première loi municipale. On vota des secours aux incendiés de Québec.[1]

Au mois de novembre 1845, sir Charles Metcalfe fut remplacée par lord Cathcart, commandant des troupes.

M. Viger, toujours cramponné au pouvoir, se voyait attaqué sans relâche parce que les ministres qui représentaient le Bas-Canada n’étaient appuyés que par une minorité dans cette province. Il remit son portefeuille, au mois de juin 1846 et se retira dans la vie privée. Les démarches tentées après cela pour réunir les libéraux et les conservateurs du Bas-Canada n’aboutirent à rien, et lorsque la session de 1847 s’ouvrit, un seul Canadien était ministre : M. D.-B. Papineau. On vit, durant cette session, le cabinet, soutenu par une majorité de deux voix, persister à ne pas accorder justice à nos compatriotes. M. John Neilson, indigné de cette attitude, défendit les Canadiens comme s’ils eussent été ses propres nationaux. Lord Elgin, qui avait remplacé lord Cathcart (janvier 1847) mit fin à cet état de choses en proclamant la dissolution du parlement avant l’époque fixée par la loi. Les élections qui s’en suivirent donnèrent la majorité aux libéraux réformistes. Tout annonçait un retour complet à la politique de 1842-43. À l’ouverture de la session (25 février 1848) M. A.-N. Morin fut élu président par acclamation. Bientôt les ministres déposèrent leur démission. MM. Lafontaine, R.-E. Caron, E.-P. Taché, L.-M. Viger, James Leslie, T.-C. Aylwin reçurent les portes-feuilles du Bas-Canada. M. Baldwin devenait le chef de l’autre province.

L’une des mesures les plus importantes pour nous qui occupèrent la nouvelle administration avait trait aux terres des cantons de l’Est. Il y avait de ce côté assez d’espace pour former une province. Les Canadiens s’y portèrent en masses dès que l’ancienne législation qui en gênait l’accès eut disparue. C’était encore une victoire pour notre élément, et l’une des plus durables. Prendre le sol c’est tout avoir. Le ministère Viger, simple instrument

  1. Le 30 juin 1843, le village de Boucherville avait été dévoré par les flammes. Les 28 mai et 28 juin 1845, la ville de Québec avait été presque entièrement détruites par deux incendies. Au mois de mai 1846, le feu consuma les villages de Chicoutimi et de la baie Ha ! Ha !. Le 12 juin le théâtre Saint-Louis de Québec brûla ; quarante personnes y périrent. Au mois d’août, trois cents maisons furent détruites par le feu à Laprairie. Enfin, le château Saint-Louis de Québec devint à son tour la proie des flammes.