Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/123

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lume, s’encaissent dans le fond de la courbe : ce qui les empêchera d’engraver[1].

Il ne faut pas perdre de vue, dans toutes ces constructions, que le pont est destiné non-seulement à résister à l’action ordinaire des eaux, c’est-à-dire à une force de frottement, mais encore à soutenir souvent le choc d’une grande masse, animée d’une grande vitesse, qui agit comme une force de percussion. Il faut donc que la masse morte du pont soit assez lourde pour faire équilibre à la force vive du choc. Cette considération doit engager à ne pas rétrécir outre mesure la largeur du pont entre les têtes, ainsi qu’on a coutume de faire sur les communications vicinales : cette précaution devient surtout importante lorsque le pont est construit avec des matériaux peu lourds, comme est, par exemple, le tuf.

J’ai dit qu’il fallait redouter les engravements… Il arrive souvent que de petites crues, arrivant coup sur coup, exhaussent le lit au-dessous de l’arche. Alors, s’il survient tout à coup une crue violente, les eaux, trouvant le passage bouché, emportent le pont ou se font jour d’un autre côté. — À cause de cela, il est nécessaire de s’assurer de temps en temps de l’état du lit, au passage du pont. S’il s’obstrue, on ouvre au milieu des alluvions un canal d’amorce, dont le but est d’attirer les eaux ; quand la crue arrive, elles suivent le canal, déblayent les matières déposées, et remettent elles-mêmes le radier au jour[2]. — Si l’on croyait indispensable de désobstruer entièrement le pont, à force de bras, chaque fois qu’il est engorgé, on dépenserait inutilement beaucoup d’argent. On a fait souvent de cette manière de grandes dépenses qui ont épuisé les crédits d’entretien, avant que l’expérience eût montré la marche la plus économique.

Un mot sur les fondations.

— Quand on fait des fouilles dans un lit de déjection, on est submergé par les eaux d’infiltration. Vainement on détournerait le torrent, et on le jetterait provisoirement le plus loin possible des fouilles. Dans ce terrain, formé de blocs et de graviers sans consistance, l’eau ruisselle par mille canaux souterrains. Les épuisements seraient impuissants. On ne peut pas

  1. Sont construits de cette manière : le radier du pont de Verderel, — de Lasalle, — de Reguigné, près du Monestier, etc.
  2. Ce fait se présente souvent aux ponts construits sur le Boscodon, — sur la Glaizette (à Veynes), — sur le Saint-Blaise (à Briançon).