Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/150

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rance, au contraire, est encore arrêtée aujourd’hui dans cette deuxième période d’instabilité, qui a suivi la première, caractérisée par les lacs consécutifs, et à laquelle, d’après la même loi, succédera peu à peu une période de stabilité.

Par conséquent, les rivières aujourd’hui les plus stables ont passé par une époque de divagation correspondant à la deuxième période des torrents.

— Enfin, on a recueilli dans l’étude de ces mêmes rivières une multitude d’observations qui démontrent qu’elles ont eu anciennement à ouvrir le fond de leur thalweg, et à créer leurs pentes, de même que nous l’avons dit pour la Durance, et de même que nous le voyons faire sous nos yeux aux torrents. Dans l’intérieur des continents, elles perçaient des montagnes, elles comblaient des bassins, et la trace de ces phénomènes est encore très-visible de nos jours. En s’approchant des mers, elles y projetaient ces immenses deltas, toujours grandissants, sur lesquels se sont assis des royaumes tout entiers, et qui constituent de véritables lits de déjection (chap. 5). — Ainsi, ces rivières ont, à une certaine époque de leur existence, agi comme font les torrents dans leur première période.

— Résumant cette discussion, j’oserais donc montrer dans l’action des torrents comme une image fidèle et raccourcie de ce qui s’est passé ou de ce qui se passera sur toutes les rivières en général.

Dans toutes, je vois trois périodes consécutives, se succédant dans le même ordre et divisant leur existence en trois époques distinctes.

1o Une période de corrosion et d’exhaussement qui prépare le fond du thalweg, et met partout les pentes en équilibre avec la résistance du sol et le frottement des eaux. — Elle a pour destination de fixer le profil en long des cours d’eau.

2o Une période de divagation, où les eaux cherchent la figure de section et les inflexions de cours qui correspondent à la plus grande stabilité (car le cours rectiligne n’est pas le plus stable, puisqu’il n’amène pas nécessairement le courant sur les points où la rive est la plus solide). Ici, l’action des eaux se borne à promener ça et là sur un même plan leur thalweg mal défini, sans emporter ni exhausser notablement le fond ; c’est la masse liquide qui se déplace plutôt que le sol. — Le résultat de cette dernière période est de fixer les alignements du cours, ou, si l’on veut, de déterminer son plan.