Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/214

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ont rapportée de la vue des lieux. Écoutez ensuite tous ceux qui, ayant examiné la plaie avec plus de loisir, ont pénétré plus avant dans sa connaissance ; tous sont unanimes sur ses conséquences. — Qu’on lise les mémoires que j’ai cités dans le courant de cette étude. Qu’on lise les rapports faits depuis trente ans par les préfets, et par tous les administrateurs qui ont eu à méditer sur ce sujet. Tous déposent du même fait ; pas un ne contredit l’autre sur la gravité du danger. Quoi ! des préfets, des ingénieurs, des agents forestiers, tous partis de points différents, écrivant à différentes époques, dans des vues diverses et sous diverses inspirations, se rencontrent tous dans la même conclusion ; et cette conclusion serait outrée, ce qui veut dire, à moitié fausse ?…

J’ose à peine citer mon propre travail. Je demanderai, toutefois, si, de la description détaillée des faits, de ce grand nombre de citations de lieux, de cet enchaînement de preuves, il ne résulte pas un caractère de vraisemblance, qui doit éloigner tout reproche d’exagération ? Quand même l’exemple du Dévoluy, et de plusieurs autres localités, ne nous montrerait pas la conclusion écrite en grosses lettres sur les ruines du sol, ne la voit-on pas sortir si naturellement du fond même des choses, qu’elle ne saurait être autre que je l’ai dit ?

Cette dernière objection étant ainsi rejetée, et la future ruine du pays étant acceptée comme un fait inévitable, on peut demander si l’état doit permettre qu’elle se consomme sous ses yeux, ou s’il doit l’empêcher au moyen de quelques sacrifices ? — Maintenant tous les faits sont débattus et étalés au grand jour ; tout est démontré, tout est connu, et la question est devenue claire comme la lumière. On sait que les torrents ruineront le pays ; on sait que le reboisement est le seul remède qui peut détourner cet avenir ; on sait que ce remède dépasse les forces d’une contrée épuisée. Cela posé, est-il bon que la contrée s’éteigne ? Ou bien, est-il bon que les contrées voisines lui viennent en aide ?

Je voudrais bien qu’on me montrât un seul homme, assez dépourvu de cœur et de sens commun, pour hésiter un instant, en face d’une question ainsi posée. — Eh bien ! de quelque façon qu’on la retourne, elle se résumera toujours en ces termes.