Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/36

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rentielles ; le dernier, des ravins ordinaires. Dans le second, tous les effets sont saillants, et ressortent vivement.

Il existe, dans les vallées les plus hautes du département, un genre particulier de torrents, qu’il faut au moins citer. Ils sortent du milieu des glaciers, et se distinguent de tous les autres. Leur lit sert de couloir aux avalanches, et à d’énormes pans de glace, que la progression constante des glaciers pousse jusqu’au bord de talus escarpés, d’où ils se précipitent dans la vallée avec un grand fracas. À côté de ces formidables agents, l’eau ne joue plus qu’un rôle secondaire. Elle amène pourtant quelques dépôts, qui s’ajoutent à ceux amoncelés par les glaciers et les avalanches, et forment, ce qu’on appelle dans le pays, des moraines. Les torrents eux-mêmes portent souvent le nom de tabut ou tabuché[1]. Il faut écarter ce genre de tout ce qui sera dit ici sur les torrents, avec lesquels il n’a qu’un petit nombre de propriétés communes.

Citons encore, pour ne rien omettre, ce qu’on appelle ici des torrents blancs[2]. Ce sont, à proprement parler, des talus d’éboulement, qui se forment au pied des crêtes, ou des roches taillées à pic ; mais, en considérant leur forme, on remarque qu’ils ne sont pas sans analogie avec les dépôts amenés par les torrents ordinaires, et l’eau est effectivement un des agents de leur formation. Seulement elle n’agit ici que pour hâter l’action de la pesanteur, et celle-ci produirait seule les mêmes effets, dans un temps plus long. — En effet, les mêmes talus sont encore formés, soit par les avalanches de pierres, soit par les casses[3] ; et dans ces derniers phénomènes, quoiqu’ils se produisent de préférence par les temps humides et pluvieux, l’action de l’eau, comme force de transport, est tellement insignifiante, qu’on ne risque rien de la considérer comme nulle[4].


  1. Tabut du Casset, tabut du Monestier, — tabuché de la Grave, tabuché de l’Alp, etc.
  2. Dans la combe de Mallaval, du Queyras, de la Vallouise ; en général dans toutes les vallées hautes.
  3. Les casses sont des parois de montagne formées d’une roche dure, qui se détache et tombe par grandes masses. Les pluies, les orages, le vent, le dégel, favorisent la chute de cet blocs : ils s’entassent au pied du rocher dont ils faisaient partie, et forment des amoncellements, qui sont souvent entraînés ensuite par les torrents.
  4. Voyez la note 2.