Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/50

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Enfin, quand une route est assujettie à traverser un pareil lit, elle est soumise à de grands inconvénients. Elle est forcée de gravir d’un côté le faîte de l’éventail, puis de s’abaisser de l’autre côté vers la plaine ; ce qui l’assujettit à une rampe et à une descente, dont les pentes sont assez fortes. Comme les eaux coulent dans la partie culminante, qui sépare la pente de la contre-pente, c’est là qu’il faudrait établir un pont : or cela est toujours fort difficile, parce que les berges manquent totalement, et qu’elles sont même, en quelque sorte, négatives. D’autres difficultés s’élèvent encore quand on essaie de protéger la route par des défenses : on ne sait comment les disposer sur ce lit convexe, où les eaux, au moindre obstacle, s’échappent en suivant les pentes transversales, et où des épis ne peuvent être enracinés nulle part[1].

Toutes ces causes concentrent les plus grands maux des torrents dans leurs lits de déjection ; et ceux-ci, par une circonstance malheureuse, se trouvent précisément placés dans les vallées, où les cultures sont les plus précieuses : aussi forment-ils le caractère le plus redouté des torrents. Les dénominations d’un grand nombre d’entre eux se rapportent aux propriétés des lits de déjection : plusieurs même les caractérisent par des termes si énergiques, qu’on n’oserait pas les traduire[2].

Il reste à indiquer les modifications qui altèrent quelquefois la forme générale de ces lits.

Il y a des torrents dans lesquels les lits de déjection n’ont plus que des formes diffuses[3]. Il y en a même dans lesquels ces formes sont complètement oblitérées[4]. Cela arrive toutes les fois que le terrain s’abaisse

  1. Comme un exemple de cette difficulté, on peut citer le pont du torrent de Bel-AirSerres), dont le projet a été remanié par quatre ingénieurs, et n’est pas encore arrêté.
  2. Torrents des Graves (des graviers), — de Combe-la-Bouze, — de Rioubourdoux, (Ruisseau bourbeux : il y en a plusieurs de ce nom, à Prunières, à Orcières, à Barcelonnette, etc.).

    Il y a un grand nombre de torrents nommés Merdanel ou MerdarelSaint-Crépin, au Monestier, à Chadenas, à Rémollon, à Orcières, etc.). Dans les Basses-Alpes, on a plusieurs Merdarics. Ce terme est devenu, dans quelques localités, générique, et l’on dit un merdanel, pour dire un torrent.

  3. Torrents de Crevoulx, de Bramafam, de la Couche.
  4. Torrents de la Grande-QueylanneVitrolles), — de Mauriand (à la Grave), — de Rabioux, — du Pas-de-la-Tour, dans la vallée de l’Ubaye (Basses-Alpes).