Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/64

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Ces affaissements, ces fentes, cet ébranlement, communiqués de proche en proche, se propagent jusqu’à des distances incroyables, et finissent par embrasser des pans tout entiers de montagnes.

On cite plusieurs de ces quartiers que les érosions des torrents ont rendus tellement mouvants, qu’il est devenu impossible d’y asseoir des constructions. Sur la rive gauche du torrent des Moufettes, on voit des maisons appartenant au village des Andrieux, qui ont été lézardées à une distance du lit, de plus de 800 mètres. — Sur la route no 92, en face des Ardoisières, on a l’exemple d’un revers considérable de montagne rongé par la Romanche, et tourmenté par de continuels mouvements. L’instabilité de ce sol a forcé plusieurs familles d’abandonner des chalets, situés à de grandes distances de la rivière. L’on comprendrait à peine que celle-ci pût être la cause de mouvements aussi lointains, si l’analogie des faits, et d’autres preuves encore, ne l’avaient pas révélé de la manière la plus irrécusable[1].

Il existe des villages entiers, bâtis dans les bassins de réception, qui sont menacés d’être engloutis de cette manière par les torrents. Chaque année, le torrent gagne du terrain, et le village lui abandonne quelques cabanes. Ces faits démontrent la marche envahissante de ces cours d’eau. Peu menaçants dans l’origine, ils grandissent, ils s’étendent, et bientôt ils atteignent les habitations, construites sans défiance à de grandes distances de leurs rives. — Il y avait, avant le treizième siècle, sur les bords

  1. À ces exemples, ajoutes : les mouvements du sol dans la montagne de Saint-Sauveur, en face d’Embrun, provoqués par le torrent de Vachères et par plusieurs autres torrents de troisième genre. — id. : ceux du quartier de Vabriès, miné par le torrent de Crevoux, sur sa rive gauche. — id. : de Villard Saint-André, par le même torrent, sur sa rive droite : ce dernier terrain est devenu plus mouvant encore depuis l’établissement d’un canal d’arrosage. — id. : ceux dus au torrent de Sainte-Marthe, près de Caleyères : un moulin est sur le point d’être abîmé. — id. : ceux dus au torrent de Merdanel, au-dessus de Chadenas, etc.

    On remarque encore des mouvements très-violents dans les parties supérieures du Devizet, de Labéoux, du Rabioux, de Boscodon, du Ruisseau-Blanc (Lautaret), etc., etc.

    J’ai cru devoir multiplier ici les citations, parce que la cause de ces mouvements a été souvent mal interprétée, notamment dans l’exemple cité plus haut, en face des Ardoisières. Les habitants l’attribuent à la nature particulière du terrain. N’ayant que cet exemple sous les yeux, ils ne comprennent pas que c’est là un phénomène tout à fait général et commun a tous les torrents.