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DU TONNEAU.

dans la varieté des ingrediens, qui compoſent les ſoupes, les fricaſſées, les ragouts, & les pots-pourris.

Il eſt vrai, qu’on trouve une certaine race mal élevée, mediſante, & miſantropique, qui prétend tourner en ridicule ces innovations polies, qui ſe ſont gliſſées dans la République des Lettres. Ils admettent la comparaiſon tirée de la cuiſine ; mais, ils ſont aſſez hardis, pour déclarer que nos ragouts mêmes ſont une preuve de la corruption de notre gout. Ils nous débitent, que la mode d’entaſſer péle-mêle, dans un même plat, cent choſes de differente nature, n’a été introduite, qu’en faveur de certains appetits dereglez, cauſez par une mauvaiſe Conſtitution ; & qu’un homme, qui dans un Pot-pourri va à la chaſſe d’une tête d’Oye, ou d’une aile de Cocq de Bruiere, ou d’un ris de veau, prouve qu’il n’a pas l’eſtomac aſſez robuſte, pour digerer des mets plus ſimples, & plus ſolides. Ils ſoutiennent encore, que des Digreſſions dans un Livre reſſemblent à des troupes étrangeres dans un Etat ; qui font ſoupçonner que les Habitans même manquent de force & de courage ; & qui, bien ſouvent, les mettent ſous le