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Page:Swift - Le Conte du tonneau - tome 1 - Scheurleer 1732.djvu/329

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DU TONNEAU.

parfaitement bien, qu’il en eſt des hommes, comme des ames, qu’on ne retient jamais mieux, qu’en les ſaiſiſſant par les oreilles. L’experience fait voir pourtant, que cette regle à ſes exceptions :

Effugiet tamen hæc ſceleratus vincla Protheus.

Ce qui prouve, qu’en liſant les Maximes des Anciens il faut donner quelque choſe aux tems & aux lieux ; car, ſi nous recourons aux plus anciennes Chroniques, nous y apprendrons, que rien n’a été ſujet à des revolutions auſſi grandes, & auſſi frequentes, que les oreilles humaines.

Il y avoit autrefois une invention curieuſe, pour ſaiſir & pour retenir quelqu’un par les oreilles ; mais, je croi qu’on peut la mettre au nombre des arts perdus. Il n’eſt pas poſſible même que la choſe ſoit autrement ; puiſque, dans ces derniers ſiécles, toute l’eſpéce s’eſt diminuée juſqu’à un degré déplorable, & que ce qui en reſte eſt ſi fort dégénéré, qu’il ſemble ſe moquer de ceux, qui veulent en prendre poſſeſſion. Si l’on a jugé, qu’une fente dans l’oreille d’un ſeul