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126 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

le caractère de la masse du peuple; il réunit au moins les éléments d’une population policée, à la tête de laquelle il plaça une société formée à l’école française. Mais il accéléra peu, par là, le développement de la civilisation nationale, et il créa dans son empire deux partis dont l’inimitié mutuelle influa puissamment, pendant plus d’un siècle, sur le cours de la politique russe.

D’autre part, si l’on examine attentivement l’ensemble de ses réformes administratives, on s’apercevra facilement qu’il n’a en rien affaibli les bases fondamentales du régime précédent, et que, au contraire, les changements qu’il y a introduits n’ont fait que l’affermir. On peut caractériser son action en disant qu’il a encore augmenté le despotisme asiatique du pouvoir impérial, tout en soumettant les instruments de ce despotisme à des règles et à une discipline empruntées à l’Occident. Il remplaça les hordes tumultueuses de vassaux indisciplinés par une armée formée sur le modèle de celles de l’Europe. Alors disparut tout naturellement l’importance que les boyards avaient possédée jusque-là, et bientôt après la couronne put, sans crainte, abandonner aux vassaux la libre propriété de leurs biens (1). <c L’administration et la justice furent organisées d’une façon remarquable, le nombre des employés dépendant de l’empereurfut augmenté et leur autorité régularisée. A quoi servait aux villes d’avoir la liberté de choisir elles-mêmes leurs autorités municipales, dès que l’empereur avait le droit d’intervenir selon son bon plaisir dans leur administration ? On ne toucha pas à la constitution des communes rurales, ni à l’organisation de l’agriculture; le seul changement qu’on y apporta fut une augmentation de droits pour les propriétaires, qui purent non-seulement vendre les paysans avec le sol, mais les employer à leur gré aux travaux intérieurs de leurs maisons ou de leurs fabriques. Par-dessus tout, l’union de l’État et de l’Église fut non-seulement conservée, mais encore fortifiée. Pierre P" remplaça le patriarche de Moscou, regardé jusqu’alors comme le chef de la religion, par le saint synode (1) Sous l’impératrice Anne (ukase du 17 mars 1731). Le service des vassaux fut remp)acc par l’obligation de fournir des recrues. Quelques fiefs qui existaient encore en Esthonie et en Livonic furent déclarés propriété allodiale par un ukase du 3 mai 1783, UorneTooke, De la Russie, III, 227 (édition française).