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ANCIENNE POLITIQUE DE LA RUSSIE. i3â

autour d’elle, dans les appartements de son palais, une foule de jeunes enfants-par lesquels elle se faisait appeler c mère!) et qu’elle habillait, instruisait et comblait de présents. Dos le commencement de son règne, elle s’appliqua avec ardeur aux anaires, et y montra une grande pénétration jointe à une instruction profonde. On reconnut bientôt qu’elle alliait à une minutie féminine une profondeur de vues politiques toute virile, qu’elle jugeait les personnes et les choses avec une justesse parfaite, qu’en toute occasion elle donnait elle-même l’impulsion à ses ministres et leur suggérait tous leurs plans mais deux penchants funestes, les plus funestes qui puissent trouver place dans un cœur de femme, ternissaient sa vie, l’ambition et la volupté. Je ne redirai pas l’histoire des entraînements qui la jetèrent dans les bras de ses nombreux amants, auxquels elle distribuait des richesses immenses et des faveurs qui ne pouvaient tomber en des mains plus indignes et plus vulgaires; je passerai également sous silence le commerce adultère d’où naquit l’héritier du trône. Onne pourrait d’ailleurs que s’étonner de l’énergie de cette riche nature, qui, au milieu de tousses excès, conserva toujours son activité intellectuelle, si, chez elle, le remède n’eût été pire que le mal. Elle n’échappa à l’affaiblissement de ses facultés que grâce à)a force d’une autre passion, plus ardente et plus noble à la vérité je veux parler de son immense ambition, de son insatiable soif de domination. Elle s’empara de l’héritage de Pierre le Grand avec le_désir de l’augmenter encore, et elle reprit, pour en former un vaste et durable système, tous les projets qui avaient agité jadis l’esprit guerrier et dominateur du conquérant. Quand on étudie et examine tous ses plans de conquête, on se sent, comme en considérant ses désordres et ses prodigalités, transporté de nouveau en Orient tout y est gigantesque et puissant, au-dessus de toute compréhension européenne, mais au-dessous de tout sentiment. humain. Autant Catherine se montrait sensée et bienveillante dan, s l’intimité, autant elle était impérieuse et terrible dans l’exercice de son autorité. Alors, aucun droit ne l’arrêtait, aucune promesse ne l’enchaînait, aucun moyen ne l’effrayait, si odieux qu’il pût être; et tandis qu’elle échangeait avec Voltaire des épitres sur la liberté et les droits de l’homme, elle se considérait ellemême comme une sorte de divinité et regardait l’asservisse-