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12 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE.

faire vibrer en France les cordes de l’esprit national. L’attrait des luttes politiques était complètement évanoui. Il ne se trouvait plus un Français qui formât encore un vœu ou qui eût bravé un danger pour une forme de constitution ou pour un idéal de gouvernement quelconque. Depuis que, le 10 août, le pouvoir populaire avait triomphé du roi, de l’Assemblée et de la Constitution, le règne de l’intelligence était passé. Ils étaient loin ces jours où un succès de tribune semblait un fait politique, où une émotion de la presse était un événement grave. Les discussions mêmes des partis à la Convention n’avaient presque plus d’importance; elles n’étaient pour la plupart que l’expression omcielle de résolutions prises depuis longtemps par ceux qui possédaient réellement le pouvoir, ou elles étaient tout au plus destinées à donner au pays le signal de nouvelles mesures ’de violence. Quiconque voulait obtenir un véritable résultat devait recourir aux instruments de la force matérielle, à l’argent et aux armes.

Le gouvernement possédait le pouvoir nécessaire pour mettre en mouvement les deux plus puissants leviers du despotisme, la terreur et la cupidité. Il pouvait compter sur l’armée, car tous les généraux étaient républicains, et il savait que les troupes, dans leur zèle patriotique, n’abandonneraient plus un dra-*peau sous lequel elles avaient résisté à la moitié de l’Europe. A la vérité, il n’existait plus aucune organisation administrative à l’intérieur du pays; les autorités départementales avaient été récemment soumises a une nouvelle élection révolutionnaire; partout elles étaient désorganisées et dénuées de consistance; mais nous savons combien les institutions de 1790 avaient été faibles et insuffisantes dès le premier jour leur chute avait donc été plutôt avantageuse que préjudiciable au ministère. Dans presque tous les départements, à côté des autorités déconsidérées on trouvait des commissaires extraordinaires du gouvernement, dans les mains desquels le désordre général avait réuni la plupart_des affaires; ces commissaires exerçaient un pouvoir illimité sur les citoyens, mais étaient entièrement soumis aux instructions ministérielles. C’était pour le gouvernement une force dont l’ancienne monarchie elle-même n’avait jamais approché mais le contraste était plus frappant encore quand