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192 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

sur un terrain appartenant à un noble, elles dépendaient de ce noble presque aussi complètement que les paysans. Une loi de 1768 avait enlevé aux seigneurs le droit de haute justice, à la suite des effroyables abus qu’ils en avaient faits; mais cette loi leur avait permis, comme dédommagement, d’augmenter selon leur bon plaisir les impositions et les charges des bourgeois. La sûreté personnelle, l’indépendance de corporation n’avaient donc aucune garantie; par suite, l’industrie était nulle; une agriculture mal dirigée et peu productive était la seule richesse du pays. Les provinces de la Grande-Pologne et les pays limitrophes du Nord de l’Allemagne, les contrées, par conséquent, que la Prusse allait soumettre à sa domination, présentaient seules une exception à ce triste état. Là, la civilisation allemande avait préparé la conquête, ainsi que cela avait eu lieu cinq siècles auparavant pour le Brandebourg et pour la Silésie. Une foule d’artisans et de négociants allemands, attirés par l’appât d’une vente certaine et sans concurrence, s’étaient établis dans les villes; il s’en trouvait quelques-unes dans lesquelles, en 1793, on eût à peine rencontré un seul habitant polonais, et l’usage de la langue allemande avait pénétré dans ce pays jusqu’à quinze lieues au delà des frontières. Bien que l’État ne leur accordât pas la moindre protection, et que les seigneurs n’abandonnassent aucun de leurs priviléges habituels et oppressifs, on voyait fleurir dans ces villes, grâce au zèle des travailleurs allemands, une importante industrie, celle de lafabrication de la toile et des tissus de laine. Tous les intérêts y portaient donc vers l’Allemagne le commerce désirait s’ouvrir des débouchés dansles ports de la Baltique; les fils de familles bourgeoises étaient, pour la plupart, élevés aux universités de Francfort ou de Leipzig. A ces causes venaient encore s’ajouter des considérations religieuses. En dépit de toutes les persécutions, une nombreuse noblesse protestante s’était maintenue dans les pays voisins de la frontière allemande cette noblesse, sans doute, ne participait pas aux affaires publiques et n’éprouvait qu’humiliations de la part du gouvernement; mais, à force d’ordre et d’économie, et en vivant sur des propriétés peu étendues qu’elle administrait ellemême, elle était arrivée à un degré de prospérité bien rare en Pologne. La plupart des familles qui la composaient, les Kal-