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PROCÈS DE LOUIS XVI. 63

tile par la toute-puissance de la Convention. Ces vues sont faciles à comprendre si l’on se rappelle que le ministère, par suite de l’équilibre qui existait alors entre les divers partis, pouvait influer d’une manière décisive sur toutes les questions au moyen de ses partisans fidèles, et qu’il espérait précisément que le procès du roi l’aiderait à atteindre le but auquel tendait sa politique extérieure. Il était donc de son intérêt de faire dépendre exclusivement le sort de Louis XVI de la Convention, dont il se croyait sûr de disposer. Le rapport de Mailhe dépeignait la situation extérieure sous les couleurs les plus brillantes. II parlait de l’Espagne et de la Hongrie, dont les peuples imiteraient bientôt l’exemple du peuple de France, et concluait en prédisant à l’humanité la chute certaine de tous les rois, chute qui commençait à s’annoncer par l’ébranlement des trônes, les succès des armées françaises et l’exaltation du monde entier en faveur de la liberté. Aussi la Convention ordonna-t-elle, sur la proposition de Billaud-Varennes; que ce rapport fût immédiatement traduit dans toutes les langues de l’Europe.

Si la Convention adoptait le point de vue présenté par Mailhe, elle déclarait Louis XVI un être dépouillé de tous droits, dont on pouvait faire, selon les besoins de la politique du moment, une proie, un otage ou une victime. La délibération n’avait eu d’abord pour objets que les questions préliminaires relatives à l’inviolabilité du roi et à la toute-puissance de la Convention; mais, la passion brisant toute entrave, l’Assemblée dut enfin permettre aux orateurs d’examiner tous les côtés de la question, la compétence, les formes de la procédure, le crime et le châtiment. On vit alors combien la situation était tendue, combien la haine des partis était envenimée, et surtout quelle crainte inspirait le parti démocratique depuis les massacres de septembre, malgré la réaction qui s’était manifestée lors des élections. Ce fut cette crainte qui détermina, sinon le fond des opinions, tout au moins la manière dont elles s’exprimèrent. Les membres de l’Assemblée rivalisèrent d’efforts oratoires pour accumuler outrages sur outrages contre Louis XVI; ceux mêmes qui cherchaient à sauver le roi de la hache du bourreau se crurent obligés de fouler aux pieds la couronne. Des soupçons réciproques s’entrecroisèrent à l’Assemblée les Jacobins accusèrent les Giron-