Page:Töpffer - Voyages et aventures du docteur Festus, 1840.djvu/119

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tiré sa montre, et prévoyant que l’évanouissement les mènerait bien tard, d’autant plus que son âne avait le pas lent, il tira du sac de Milady son carnet, sur lequel il écrivit en anglais qu’il prenait les devans, sans se presser, et qu’elle le rattraperait en allant d’un bon pas ; puis, lui ayant inséré le carnet dans la main, il s’éloigna, rempli de satisfaction.

Il avait cheminé deux heures, lorsqu’il se trouva cerné tout-à-coup par un détachement de huit gendarmes qui le mirent en joue à bout portant ; sur quoi Milord leur dit : Do you speak english ? Mais eux, certains, d’après le signalement, que c’était Pierre Lantara le vagabond, qui contrefaisait l’anglais pour les déjouer, lui répondirent en lui mettant les poucettes royales, et le conduisirent à la prison royale de Balabran, où il fut écroué sous le n°36. C’est là qu’il trouva le Maire, et rentra incontinent en humour, lorsqu’il eut reconnu ce même drôle qui l’avait fait charger à la baïonnette dans la forêt. Il lui asséna vingt-huit plaisanteries en bon anglais, riant si copieusement qu’il s’en crevait toujours plus la peau du diaphragme, et ne rendait plus que le son d’un tambourin percé. D’autre part, le Maire était si bilieusement affecté, que son foie lui remontait au gosier, d’où il contracta une jaunisse dont il ne guérit jamais bien.