Page:Töpffer - Voyages et aventures du docteur Festus, 1840.djvu/198

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litudes, et, rien qu’avec de l’herbe fraîche et de l’eau claire, il s’y était fait une existence à son gré, évitant les humains et ne souffrant l’approche d’aucun sans lui ruer au nez, défaut qu’il tenait de sa mère.

Après quatre mois et demi de cette bonne vie, le mulet s’était décidé à faire une excursion du côté de la grande route : son dessein était de s’y vautrer dans la poussière, plaisir dont il était privé depuis longtemps. C’est là qu’il avait été vu, le matin même de ce jour, par Jean Pécot, qui, voulant s’emparer de cette bête sans maître, lui avait lancé un grand nœud coulant. Mais tout en visant à la tête, il avait attrapé la queue, et c’était pour se donner le temps d’aller quérir des aides, qu’il venait d’amarrer le bout de sa corde au tronc d’un saule noueux.

Le docteur ayant reconnu son mulet lui sauta sur le dos, au moment même où Jean Pécot, arrivant avec quatre aides, le prenait de loin pour un larron qui voulait lui disputer sa proie. Aussi, tout en accourant, Jean Pécot se mit à hurler d’affreux jurons, les quatre aides se mirent à lancer des pierres, et le mulet, épouvanté par ces gens, donna un coup de reins si terrible, que le saule, déraciné, suivit la corde : balayant la route, comblant les ornières, et amassant devant lui un tas de fientes bovines et chevalines haut de trois coudées. À la