Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et ce cœur de bonté pour lui si prévenu
L’est-il moins pour un roi que pour un inconnu ?

ERIPHILE.

Ah, puisque ma douleur est forcée à paroître,
Pourquoi, Prince, pourquoi vous ai-je pu connoître ?
Par vous toujours du sort la funeste rigueur
A contre mon devoir fait révolter mon cœur.
Ce devoir autrefois l’empêchant de se rendre,
Pour aimer Cléomène il ne le pût entendre,
Et maintenant encor, quoi qu’il ose tenter,
Pour haïr Timocrate il ne peut l’écouter.

TIMOCRATE.

Quoi qu’ordonnent les dieux je n’ai donc rien à craindre,
Princesse, mon destin est trop beau pour m’en plaindre,
Et sans murmure aucun je m’en verrois trahi
Si je meurs assuré de n’être point haï.

ERIPHILE.

Hélas ! Pour en avoir la fatale assurance
Falloit-il assouvir une aveugle vengeance,
Et sans perdre un héros si grand, si renommé,
Ne pouviez-vous savoir si vous étiez aimé ?

TIMOCRATE.

Pour le mieux découvrir que pouvois-je plus faire ?
J’ai su passer deux fois dans le parti contraire ;
Deux fois ma passion par un discours trompeur
Vous nommant Timocrate a sondé votre cœur ;
Avant que de combattre et depuis ma victoire
J’ai fait agir pour lui tout l’éclat de sa gloire :
Mais loin que mon adresse ait rien gagné sur vous,
J’en ai vu redoubler deux fois votre courroux,
Et deux fois votre cœur, trop rempli de sa haine,
La faire rejaillir jusques sur Cléomène.

ERIPHILE.

Aussi qui l’auroit crû qu’un nom si glorieux
Eut caché si longtemps Timocrate à nos yeux,