Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/310

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ANAXARIS

Oui je soupire,
Et si tu pouvois voir l’excès de mon martyre,
Tu me confesserois qu’aux plus grands déplaisirs
On n’a jamais donné de plus justes soupirs.

IPHITE

La Fortune à vos vœux paroit si favorable
Qu’en vain j’ose chercher quel malheur vous accable.
Vous pouvez tout ici, chacun vous fait la cour,
Et la faveur du Roi…

ANAXARIS

Ne peut rien sur l’amour,
C’est là ma peine, Iphite.

IPHITE

Et sa foible puissance
D’un courage si haut étonne la confiance ?

ANAXARIS

Oui, puisque c’est un sort affreux à concevoir
Qu’être forcé d’aimer, et d’aimer sans espoir.

IPHITE

Ah, Seigneur, voyez mieux où vous pouvez atteindre.
Le rang que vous tenez vous défend de rien craindre,
Et la Princesse, au point de choisir un époux,
Baissera peu les yeux pour les jeter sur vous.

ANAXARIS

Je veux bien l’espérer, mais s’il faut que j’achève,
Qu’importe à mon amour qu’un si beau choix m’élève,
Si Bérénice… Hélas !

IPHITE

Vous semblez interdit !
L’aimeriez-vous, Seigneur ?

ANAXARIS

Que ne t’ai-je point dit ?
Apprends, Iphite, apprends, qu’où l’amour est extrême,
C’est l’expliquer assez que nommer ce qu’on aime.