Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/438

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MARCIA

Quoi qui doive arriver, je suis la destinée
Où par ta lâcheté je me vois condamnée,
Et si j’ai pu descendre à des moyens trop bas,
J’ai dû les employer au refus de ton bras.
Au moins soit que je règne, ou soit que je périsse,
Ta flamme en tous les deux trouvera son supplice ;
Puisque exposée à tout par ton manque de foi,
Dans l’un et l’autre sort je suis morte pour toi.

ÉLECTUS

Ah, si j’étois certain que la rage ou l’envie
Fît dessein d’attaquer une si belle vie,
Il n’est droit si sacré qu’en ce pressant besoin
Rome…

MARCIA

Arrête,
ÉLECTUS
, tu vas un peu trop loin.

Quelque horreur que tantôt te fît le nom de traître,
Tu sembles déjà prêt d’attenter sur ton Maître.
S’il m’abandonne à toi, c’est peu pour le punir,
Et s’il trompe ta flamme, il faut te retenir.
Règle mieux entre nous ton amour et ton zèle,
Ayant pu me trahir, demeure-lui fidèle,
Et content d’un seul crime, ose au moins aujourd’hui,
Étant vers moi coupable, être innocent vers lui.

ÉLECTUS

Ah, que me dites-vous ?

MARCIA

Qu’en ton zèle, en ta flamme
Toujours ton intérêt sait déguiser ton âme.
Aussi t’abuses-tu si tu peux présumer
Que sur tes faux soupçons je songe à m’alarmer.
Pour me voir consentir à ta jalouse envie,

Montre-moi que
COMMODE
ordonne de ma vie,

Et m’en convaincs si bien que par un beau retour
Je doive à ta vertu le prix de ton amour.

ÉLECTUS

Et bien, Madame, et bien, obstinez vous à croire
Qu’un indigne intérêt me fait trahir ma gloire,
Et que quoi que je fasse à vous prouver ma foi,