Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/466

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BAGOAS

Ils vous mettront au Trône, ou cesseront de vivre,
Seigneur ; jamais Tyran avec plus de transport
Par ses lâches fureurs ne fit jurer sa mort.
Pour donner plus de force à leurs nobles colères,
Ils se sont peint Ochus teint du sang de ses Frères,
Lorsque pour régner seul sa noire passion
Les fit tous immoler à son ambition.
Ils ont vu de l’Aîné la Veuve infortunée
De son Fils au berceau suivre la destinée,
Du jeune Darius, que pour vous contre lui
Ma fourbe après vingt ans fait revivre aujourd’hui.
D’un beau succès pour eux c’est un augure aimable
De voir à ce faux bruit le Peuple favorable.
Déjà par son murmure et des souhaits confus
Il cherche avidement ce sang de Darius.
Il eut les vœux de tous quand son Père Artaxerse
Le daigna, comme Aîné, couronner Roi de Perse,
Et si jusqu’à ses jours sa fureur s’étendit,
Ochus fut cru l’auteur du coup qui le perdit.
Jugez avec quel zèle ils suivront l’imposture
Qui vous fait de son Fils emprunter l’aventure,
Et qui charmant leurs cœurs par un flatteur abus
Leur fera croire en vous un Prince qui n’est plus.
Tout s’y trouve plausible ; on sait que votre Père
Fut seul choisi pour perdre et le Fils et la Mère,
Et quoiqu’il ait versé ce sang si plaint de tous,
Il pût, sauvant le Fils, le laisser vivre en vous.