Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/506

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Et puis-je à ses décrets montrer un cœur rebelle
Quand la paix résolue au Trône vous appelle,
Et que l’ordre absolu qu’il en a su donner
Ne me prive de vous que pour vous couronner ?

AMESTRIS

Ne prends point ce détour à cacher ta foiblesse,
Et si d’un feu tout pur la noble ardeur te presse,
Ne regarde que moi sans te considérer.
Je te préfère au Trône, ose m’y préférer.

MÉGABISE

Souffrir que mon amour vous coûte un Diadème ?

AMESTRIS

J’y renonce pour toi, renonces-y de même.

MÉGABISE

Mon cœur seroit injuste, et de votre heur jaloux,
Sans se considérer, il ne doit voir que vous.

AMESTRIS

Dis que ta lâcheté par une feinte flamme
Cachoit l’ambition qui dévore ton âme.
Aussi t’abuses-tu si tu crois que ta foi
Me força d’abaisser mes désirs jusqu’à toi ;
Je t’en voyois indigne, et n’ai feint de descendre,
Que pour d’autres desseins que tu pourras apprendre.

MÉGABISE

Puisqu’un motif secret vous fit trop abaisser,
Vous êtes en état de vous en dispenser ;
Mais au moins par l’hymen d’une grande Princesse,
Le Ciel prend quelque soin de purger ma bassesse.

AMESTRIS

Tu le tiens déjà sûr, et ton avidité
Te place dans ce Trône où tu te crois monté ?
Je suivrai tes conseils, et prendrai la Couronne
Qu’un Traité favorable aujourd’hui m’abandonne ;
Mais si des malheureux le Ciel est le soutien,
Ayant tout espéré, crains de n’obtenir rien.

MÉGABISE

La parole des Rois est trop inviolable.

AMESTRIS

Je le sais,