Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/292

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Mais, Madame, Silla…

circé

Quoi, Silla ?

dorine

Dois-je croire
Que vous ne plaignez pas son malheureux destin ?

circé

Elle méritoit peu ce que j’ai fait contre elle ;
Mais lorsque l’on se venge on n’examine rien,
Et fût la peine encor mille fois plus cruelle,
Je doute que son cœur souffre autant que le mien.
Pour haïr, oublier un Ingrat qui m’outrage,
J’ai beau de ses dédains me peindre la fierté ;
J’ai beau m’en faire une honteuse image ;
Malgré toute l’indignité
Des refus où pour moi ma Rivale l’engage,
Mon cœur est plus à lui qu’il n’a jamais été.
Je te l’ai déjà dit, Vénus sur moi se venge
De ses feux pour mon Père autrefois découverts,
Et puisque sous ses lois l’Amour exprès me range,
Plus d’espoir que mon destin ne change,
Sans cesse malgré moi je traînerai mes fers.
Tout ce que je puis faire en l’état déplorable
Où me réduit un feu dont j’ai trop cru l’appas,
C’est ce cacher si bien le tourment qui m’accable
Que Glaucus n’en jouisse pas.
Le voici qui vers moi précipite ses pas
Voyons de quoi sa douleur est capable.