Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/549

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Et toute autre, forcée à finir ses mépris,
Le verroit sans regret triompher à ce prix.

Bradamante.

Ne crois point m’éblouir par de vains avantages.
Ce que tu dis est bon pour de foibles courages ;
Mais après un défi suivi de vingt combats,
Bradamante a dû vaincre, ou ne survivre pas.
Mon amour le vouloit aussi-bien que ma gloire.
Quel charme m’a contrainte à céder la victoire ?
Vingt fois j’ai vû Léon, craignant de m’approcher,
Foiblement se défendre, & n’oser me toucher ;
Mais plus il me rendoit le triomphe facile,
Plus j’ai fait pour l’abattre un effort inutile.
À mes coups, sans obstacle, il se livroit en vain,
Un pouvoir invisible a retenu ma main ;
Et prête à le percer, ma tremblante colere
A trouvé malgré moi de la honte à le faire.
À voir que son respect ait sû m’intimider,
Qui ne jugera pas que j’ai voulu céder ?
Est-ce ainsi qu’on soutient une noble entreprise ?
Que pensera Roger ? Que pensera Marphise ?
Moi-même, en mon esprit voulant tout repasser,
De ce triste combat je ne sai que penser.

Doralise.

Roger ne pouvoit craindre un succès plus contraire ;
Mais enfin, quel reproche a-t-il droit de vous faire ?
S’il a de votre gloire un généreux souci,
Quand on vous offre un trône, il doit… mais le voici.