Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/78

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Et qu’à l’ordre absolu qui me l’a fait trahir
Un fatal Ascendant m’a forcé d’obéir.
Dis-lui qu’en la quittant, plein pour elle d’estime,
Mon cœur de ses ennuis…"

BRISEIS

N’achève point, Alcime,
Et pour m’accabler moins, cache moi qu’en mourant
Achille ait plaint l’amour que son malheur me rend,
C’est enfoncer le trait où je sens la blessure.
Dis-moi, dis-moi plutôt qu’il fut lâche, parjure,
Et que de ma Rivale indignement charmé
Il meurt du seul regret de n’être point aimé.
Dieux ! pour comble de maux, quand tout me désespère,
Faut-il que ses remords désarment ma colère,
Et qu’au triste moment qu’Achille perd le jour
Achille repentant mérite mon amour ?
Non, il n’est que trop vrai, ma frayeur étoit vaine,
Achille n’auroit point épousé Polixène,
Prêt à donner sa main il eut vu Briseis,
Sa flamme rallumée eut plaint mes feux trahis,
Et dans son cœur gêné sa gloire eut fait renaître
Tous les traits que son crime avoit fait disparaître,
C’est trop, délivrons-nous de ce cruel ennui,
Puisqu’il est mort fidèle, il faut mourir pour lui.
Mais avant que mon bras venge ce que je pleure,
Pâris en est la cause, il faut que Pâris meure,
Et que par mille horreurs, et la flamme et le fer,
De ce lâche assassin me fassent triompher.
Je verrai lors mon sang couler avecque joie
Si je le puis verser sur les cendres de Troie.
Allons, Phénice, allons, en de pareils malheurs
C’est mal user du temps que le perdre à des pleurs.
Pressons Agamemnon de servir ma colère,
S’il le faut éblouir, consentons qu’il espère,
Ma mort aura vers lui de quoi me dégager,
Quand s’armant pour Achille, il m’aura su venger.