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TABLEAU DE LA FRANCE


Deux peuples à part, qui ne sont réellement ni Espagnols ni Français, les Basques à l’ouest, à l’est les Catalans et Roussillonnais[1], sont les portiers des deux mondes. Ils ouvrent et ferment ; portiers irritables et capricieux, las de l’éternel passage des nations, ils ouvrent à Abdérame, ils ferment à Roland ; il y a bien des tombeaux entre Roncevaux et la Seu d’Urgel.

Ce n’est pas à l’historien qu’il appartient de décrire et d’expliquer les Pyrénées. Vienne la science de Cuvier et d’Élie de Beaumont, qu’ils racontent cette histoire anté-historique. Ils y étaient eux, et moi je n’y étais pas, quand la nature improvisa sa prodigieuse épopée géologique, quand la masse embrasée du globe souleva l’axe des Pyrénées, quand les monts se fendirent, et que la terre, dans la torture d’un titanique enfantement, poussa contre le ciel la noire et chauve Maladetta. Cependant une main consolante revêtit peu à peu les plaies de la montagne de ces vertes prairies, qui font pâlir celles des Alpes[2]. Les pics s’émoussèrent et s’arrondirent en belles tours ; des masses inférieures vinrent adoucir les pentes abruptes, en retardèrent la rapidité, et formèrent du côté de la France cet escalier colossal dont chaque gradin est un mont[3].

Montons donc, non pas au Vignemale, non pas au Mont-Perdu[4], mais seulement au por de Paillers, où les eaux se

  1. A. Young I. « Le Roussillon est vraiment une partie de l’Espagne, les habitants sont Espagnols de langage et de mœurs. Les villes font exception ; elles ne sont guère peuplées que d’étrangers. Les pêcheurs des côtes ont un aspect tout moresque. ― La partie centrale des Pyrénées, le comté de Foix (Ariège) est toute française d’esprit et de langage ; peu ou point de mots catalans.
  2. Ramond. « Ces pelouses des hautes montagnes, près de qui la verdure même des vallées inférieures a je ne sais quoi de cru et de faux. » ― Laboulinière. « Les eaux des Pyrénées sont pures, et offrent la jolie nuance appelée vert d’eau » ― Dralet. « Les rivières des Pyrénées, dans leurs débordements ordinaires, ne déposent pas, comme celles des Alpes, un limon malfaisant, au contraire… »
  3. App., 16.
  4. On sait que le grand poëte de Pyrénées, Ramond, a cherché le Mont-Perdu pendant dix ans. ― « Quelques-uns, dit-il, assuraient que