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TABLEAU DE LA FRANCE


les avalanches. Au lieu d’un riche pâturage, il reste un sol aride et ruiné : le laboureur, qui a chassé le berger, n’y gagne rien lui-même. Les eaux, qui filtraient doucement dans la vallée à travers le gazon et les forêts, y tombent maintenant en torrents, et vont couvrir ses champs des ruines qu’il a faites. Quantité de hameaux ont quitté les hautes vallées faute de bois de chauffage, et reculé vers la France, fuyant leurs propres dévastations[1].

Dès 1673, on s’alarma. Il fut ordonné à chaque habitant de planter tous les ans un arbre dans les forêts du domaine, deux dans les terrains communaux. Des forestiers furent établis. En 1669, en 1756, et plus tard, de nouveaux règlements attestèrent l’effroi qu’inspirait le progrès du mal. Mais à la Révolution, toute barrière tomba ; la population pauvre commença d’ensemble cette œuvre de destruction. Ils escaladèrent, le feu et la bêche en main, jusqu’au nid des aigles, cultivèrent l’abîme, pendus à une corde. Les arbres furent sacrifiés aux moindres usages ; on abattait deux pins pour faire une paire de sabots[2]. En même temps le petit bétail, se multipliant sans nombre, s’établit dans la forêt, blessant les arbres, les arbrisseaux, les jeunes pousses, dévorant l’espérance. La chèvre surtout, la bête de celui qui ne possède rien, bête aventureuse, qui vit sur le commun, animal niveleur, fut l’instrument de cette invasion dévastatrice, la Terreur du désert. Ce ne fut pas le moindre des travaux de Bonaparte de combattre ces monstres rongeants. En 1813, les chèvres n’étaient plus le dixième de leur nombre en l’an X[3]. Il n’a pu arrêter pourtant cette guerre contre la nature.

Tout ce Midi, si beau, c’est néanmoins, comparé au Nord, un pays de ruines. Passez les paysages fantastiques de Saint-Bertrand de Comminges et de Foix, ces villes

  1. App., 19.
  2. Dralet.
  3. Ibid.