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TABLEAU DE LA FRANCE.


trèrent chez Frédéric, avec un athée provençal (d’Argens).

Ce n’est pas sans raison que la littérature du Midi au XIIe et au XIIIe siècle, s’appelle la littérature provençale. On vit alors tout ce qu’il y a de subtil et de gracieux dans le génie de cette contrée. C’est le pays des beaux parleurs, passionnés (au moins pour la parole), et quand ils veulent, artisans obstinés de langage ; ils ont donné Massillon, Mascaron, Fléchier, Maury, les orateurs et les rhéteurs. Mais la Provence entière, municipes, Parlement et noblesse, démagogie et rhétorique, le tout couronné d’une magnifique insolence méridionale s’est rencontré dans Mirabeau, le col du taureau, la force du Rhône.

Comment ce pays-là n’a-t-il pas vaincu et dominé la France ? Il a bien vaincu l’Italie au XIIIe siècle. Comment est-il si terne maintenant, en exceptant Marseille, c’est-à-dire la mer ? Sans parler des côtes malsaines, et des villes qui se meurent, comme Fréjus[1], je ne vois partout que ruines. Et il ne s’agit pas ici de ces beaux restes de l’antiquité, de ces ponts romains, de ces aqueducs, de ces arcs de Saint-Remi et d’Orange, et de tant d’autres monuments. Mais dans l’esprit du peuple, dans sa fidélité aux vieux usages[2], qui lui donnent une physionomie si originale et si antique ; là aussi je trouve une ruine. C’est un peuple qui ne prend pas le temps passé au sérieux, et qui pourtant en conserve la trace[3]. Un pays traversé par tous les peuples aurait dû, ce semble, oublier davantage ; mais non, il s’est obstiné dans ses souvenirs. Sous plusieurs rapports, il appartient, comme l’Italie, à l’antiquité.

Franchissez les tristes embouchures du Rhône,

  1. App., 24.
  2. Dans ses jolies danses moresques, dans les romérages de ses bourgs, dans les usages de la bûche calendaire, des pois chiches à certaines fêtes, dans tant d’autres coutumes. App., 25.
  3. La procession du bon roi René, à Aix, est une parade dérisoire de la fable, de l’histoire et de la Bible. App., 26.