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TABLEAU DE LA FRANCE.


terrible, sorti du sang slave[1], nourri dans l’emportement des Belges, né à Cologne, mais ennemi de l’idéalisme allemand, a jeté dans ses tableaux une apothéose effrénée de la nature.

Cette frontière des races et des langues[2] européennes, est un grand théâtre des victoires de la vie et de la mort. Les hommes poussent vite, multiplient à étouffer ; puis les batailles y pourvoient. Là se combat à jamais la grande bataille des peuples et des races. Cette bataille du monde qui eut lieu, dit-on, aux funérailles d’Attila, elle se renouvelle incessamment en Belgique entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne, entre les Celtes et les Germains. C’est là le coin de l’Europe, le rendez-vous des guerres. Voilà pourquoi elles sont si grasses, ces plaines ; le sang n’a pas le temps d’y sécher ! Lutte terrible et variée ! À nous les batailles de Bouvines, Roosebeck, Lens, Steinkerke, Denain, Fontenoi, Fleurus, Jemmapes ; à eux celles des Éperons, de Courtray. Faut-il nommer Waterloo ![3]

Angleterre ! Angleterre ! vous n’avez pas combattu ce

    essuie le sang du Sauveur avec le sang-froid d’une mère qui débarbouille son enfant. — On peut voir au même Musée le Martyre de saint Liévin, une scène de boucherie ; pendant qu’on déchiquète la chair du martyr, et qu’un des bourreaux en donne aux chiens avec une pince, un autre tient dans les dents son stylet qui dégoutte de sang. Au milieu de ces horreurs, toujours un étalage de belles et immodestes carnations. — Le Combat des Amazones lui a donné une belle occasion de peindre une foule de corps de femmes dans des attitudes passionnées ; mais son chef-d’œuvre est peut-être cette terrible colonne de corps humains qu’il a tissus ensemble dans son Jugement dernier.

  1. Sa famille était de Styrie. Ce qu’il y a de plus impétueux en Europe est aux deux bouts : à l’orient, les Slaves de Pologne, Illyrie, Styrie, etc ; à l’occident, les Celtes d’Irlande, Écosse, etc.
  2. La Flandre hollandaise est composée de places cédées par le traité de 1648 et par le traité de la Barrière (1715). Ce nom est significatif. — App., 38.
  3. La grande bataille des temps modernes s’est livrée précisément sur la limite des deux langues, à Waterloo. À quelques pas en deçà de ce nom flamand, on trouve le Mont-Saint-Jean. — Le monticule qu’on a élevé dans cette plaine semble un tumulus barbare, celtique ou germanique.