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Page:Tabourot - Les Bigarrures et Touches du seigneur des Accords - 1640.djvu/134

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Un Gentil-homme passant par une maison dite la Vulpiere, qui appartenoit à un juge mal famé, disoit un Procureur, Vrayement le nom est propre à la maison du maistre. Mais le Procureur rencontra bien mieux, luy disant. Monsieur croyez qu’il y fera bon vivre, car il y a force provisions. Voulant par la taxer ce juge, qui à tort & a droit condamnoit toutes personnes par provision, affin de passer outre à l’execution de ses sentences, nonobstant appel, & avoit le profit de ladite execution. Qui estoit une partie de l’injuste gain, dont on disoit qu’il avoit basty ceste maison.

Un jeune apprenty de justice nouvellement pourveu d’une inferieure judicature ayant par advis de quelques graduez, condamné un coupe-bourse d’avoir l’aureille coupée, apres avoir luy-mesme dressé la sentence, ne se souvint pas d’adjouster si c’estoit la d’extre ou la senestre. Les graduez, qui ny prindrent garde de si pres, mais l’ayant signée in fide parentum, luy envoyerent pour la prononcer. De sorte que quand ce vint à en faire lecture judicialement, en presence de l’accusé, quand il ouyt ces mots. Avons condamné & condamnons ledit accusé à avoir l’aureille coupée, il demanda, soudain au Juge : Laquelle, Monsieur, Dont le Juge tout estonné & surpris, dit en touchant sa propre aureille dextre. C’est celle-là. Or dit le criminel, je n’en appelle pas, & si voulez, moy mesme la coupperay. De quoy tous les assistans se prenans à rire, le Juge repliqua, j’entens la tienne dextre. Ce que entendu par ce pauvre couppe bourse il dit j’en appelle donc, Et de fait il fut dit qu’il avoit esté asiniquement jugé, par le juge, a quo, bien appellé par l’appellant : & faisant ce qui devoit estre fait on ordonna que le juge porteroit dessus son bonnet des aureilles d’asne, & l’accusé renvoyé absous. Mais je croy