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Page:Tabourot - Les Bigarrures et Touches du seigneur des Accords - 1640.djvu/152

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soit : Helas ! mon amy, j’aimerois mieux Mori que vous. Dont le mari, joyeux de voir sa femme si cordiale envers luy, l’institua heritière de tous ses biens, & pour recompense après sa mort, ceste femme se remaria deux mois après avec un nommé Mauris ou Moris, & cogneut bien qu’elle avoit dit vray à son mary, quand elle disoit qu’elle aimoit mieux Mauris que luy. Encor peut on noter en ce conte là, comme s, par vulgaire ne se prononce pas au bout de chasque mot, dont toutesfois quelques autres sont si curieux, que pour sembler bons François, & monstrer qu’ils parlent proprement, ils prononcent à tort & à travers, au bout de chasque mot, une s. Et diront Monsieur je me recommandes à vous de tous mon cœur, &c. Avec tel son qui semble qu’ils sifflent en l’air à chasque s.

Quelques-uns le font pour la magnificence, & sembler estre plus seigneuriaux, comme la Roche-tomas, qui ne vouloit pas qu’on le servist en singulier, mais en pluriel : Tellement qu’un jour sa servante luy ayant apporté chez un sien voisin, un poulet entre deux plats, ayant demandé à ceste servante. Qu’est-ce qu’elle luy apportoit, ayant icelle respondu, Un poulet, Monsieur se mit en cholère, et dit : Il faut dire des poulets, & parler en pluriel, grosse beste. Ce qu’ayant bien entendu ceste servante, & apris que c’estoit à dire, pluriel, portant une autre fois à son maistre du mouton & du bœuf, estant interrogée qu’est-ce qu’elle apportoit, elle dit : Des moutons & des bœufs. Dont la Roche-tomas, tout scandalisé, ne voulut onc plus que sa servante parlast en pleuriel.