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— Moâ ! Non pas certes ! je connais Paris comme pas un !

— Tiens, Monsieur ne m’avait pas dit qu’il est du Midi.

— Je n’aime pas à me vanter !

C’est cela même. Il pousse des Gascons partout, et les plus forts ne viennent pas toujours des bords de la Garonne.

« Les Canadiens, sous le régime français, dit M. Sulte n’ont pu se venger que par le mépris dont ils ont accablé les Jésuites. » M. Sulte finira par comprendre lesquels, des Jésuites ou de leurs insulteurs, les Canadiens ont en mépris. Pour faire voir ce que pensaient nos ancêtres des Pères de la Compagnie de Jésus, je me contenterai de citer quelques paroles d’un laïque, d’un habitant, d’un homme qui fut choisi par ses compatriotes pour représenter leurs idées, à l’époque dont parle M. Sulte, d’un homme dont M. Sulte dit lui-même : — « l’une des plus belles figures de notre histoire. »

Voilà bien un personnage autorisé à parler au nom des siens. Eh ! bien, que dit M. Pierre Boucher, dans son livre que tout le monde connaît : « Histoire véritable et naturelle de la Nouvelle-France » ? Lisons :

« Pour le spirituel, l’on ne peut rien désirer de plus. Nous avons un Évesque dont le zèle et la vertu sont au-delà de ce que j’en puis dire : il est tout à tous, il se fait pauvre pour enrichir les pauvres et ressemble aux Évesques de la primitive Église. Il est assisté de plusieurs prêtres séculiers, gens de grande vertu ; car il n’en peut souffrir d’autres. Les Pères Jésuites secondent ses desseins, travaillant dans leur zèle ordinaire infatigablement, pour le salut des Français et des Sauvages. »

M. Boucher dit encore, dans un autre endroit du même ouvrage : « Jusqu’à cette heure, on a vécu assez doucement, parce que Dieu nous a fait la grâce d’avoir toujours des gouverneurs qui ont été des gens de bien et, d’ailleurs, nous avons ici les Pères Jésuites qui prennent un grand soin d’instruire le monde ; de sorte que tout y va paisiblement ; on y vit beaucoup dans la crainte de Dieu ; et il ne se passe rien de scandaleux qu’on n’y apporte aussitôt remède : la dévotion est grande dans tout le pays. »

Pierre Boucher s’est plusieurs fois battu contre les Iroquois, il a souvent été exposé au danger d’être tué ou pris et torturé par eux. Si quelqu’un était venu lui dire que lui et ses braves étaient, en ce faisant, « conduits à la boucherie malgré eux », soyez en certain, M. Sulte, de cette main qui repoussait les barbares, il l’eut souffleté ; car ce n’était pas « malgré eux » que nos valeureux ancêtres volaient à la défense de leurs demeures, de leurs familles et de leurs missionnaires ; vous n’avez pas compris les habitants, M. Sulte, votre aune est trop courte pour les mesurer. À qui s’adressaient nos héros captifs chez les Iroquois pour avoir soin de leurs familles ? Aux Pères Jésuites. Mépriser les Jésuites,