Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mille invectives contre Macron et les principaux affranchis du palais ; il n’épargna pas même l’empereur, que l’âge avait, disait-il, privé de sa raison, et dont la retraite sans fin n’était qu’un exil. Les héritiers cachaient ce testament : Tibère en ordonna la lecture, affectant de souffrir la liberté d’autrui, et bravant sa propre infamie, ou curieux peut-être, après avoir ignoré si longtemps les crimes de Séjan, de les entendre publier à quelque prix que ce fût, et d’apprendre, au moins par l’injure, la vérité qu’étouffe l’adulation. Quelques jours après, le sénateur Granius Martianus, accusé de lèse-majesté par C. Gracchus, se donna la mort ; et Tatius Gratianus, ancien préteur, poursuivi sous le même prétexte, fut condamné au dernier supplice.

39

De semblables trépas finirent les jours de Trébelliénus Rufus et de Sextius Paconianus. Le premier se tua de sa main ; l’autre avait fait dans sa prison des vers contre le prince, il y fut étranglé. Et ce n’était plus de l’autre côté de la mer et par de lointains messages que Tibère recevait ces nouvelles. Établi près de Rome11, et répondant le jour même ou après l’intervalle d’une nuit aux lettres des consuls, il regardait, en quelque sorte, le sang couler à flots dans les maisons, et les bourreaux à l’ouvrage. A la fin de l’année mourut Poppéus Sabinus, d’une naissance médiocre, honoré, par l’amitié des princes, du consulat et des décorations triomphales, et placé vingt-quatre ans à la tête des plus grandes provinces, non qu’il fût doué de qualités éminentes, mais parce que sa capacité suffisait aux affaires, sans s’élever au-dessus.

   11. Tantôt à Tusculum, tantôt dans le territoire d’Albe.
40

L’année suivante eut pour consuls Q. Plautius et Sext. Papinius. Le supplice de L. Aruséius, dans une ville accoutumée au spectacle de ses maux, fut une cruauté à peine remarquée ; mais la terreur fut au comble, quand on vit le chevalier romain Vibulénus, après avoir entendu jusqu’au bout ses accusateurs, tirer du poison de dessous sa robe et l’avaler en plein sénat. Il tomba mourant : les licteurs le saisirent à la hâte, le traînèrent dans la prison, et les étreintes du lacet pressèrent un cadavre. Tigrane même, autrefois souverain d’Arménie et alors accusé, ne put échapper au supplice ; roi, il périt comme les citoyens. Le consulaire C. Galba et les deux Blésus finirent volontairement leurs jours : Galba, sur une lettre sinistre où l’empereur lui défendait de se présenter au