Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de garder sa foi ? La liberté n’était qu’un vain prétexte dont se couvraient des factieux qui, nés pour être la honte de leur famille et le fléau de leur patrie, n’avaient d’espoir que dans la discorde." La multitude applaudissait avec transport à ces discours. Un grand combat fut livré entre les barbares, et le roi demeura vainqueur. Bientôt l’orgueil de la bonne fortune en fit un tyran. Chassé par les siens, rétabli par le secours des Lombards, ses succès et ses revers affaiblirent également la puissance des Chérusques.

Les Cauques

18

Dans le même temps, les Cauques, exempts de troubles intérieurs et enhardis par la mort de Sanquinius, firent, avant l’arrivée de Corbulon, des incursions dans la basse Germanie. Leur chef était Gannascus, Canninéfate d’origine, qui, longtemps auxiliaire dans nos armées, ensuite transfuge, exerçait la piraterie avec des vaisseaux légers, et ravageait surtout les côtes habitées par les Gaulois, qu’il savait riches et peu guerriers. Mais Corbulon entra dans la province. Là, déployant un zèle payé bientôt par la gloire (car cette campagne fut le commencement de sa renommée), il fit descendre les galères par le Rhin, et les autres navires par les canaux et les lacs, suivant la navigation à laquelle ils étaient propres. Après avoir submergé les barques ennemies et chassé au loin Gannascus, voyant la paix suffisamment rétablie, il s’occupa de ramener à l’ancienne discipline les légions, qui ne connaissaient plus les travaux ni la fatigue, et ne prenaient plaisir qu’au pillage. Il défendit de s’écarter dans les marches, de combattre sans son ordre. Garde, veilles, service de jour et de nuit, désormais tout se fit en armes. Deux soldats furent, dit-on, punis de mort pour avoir travaillé aux retranchements, l’un sans être armé, l’autre armé seulement du poignard : exemples d’une rigueur excessive, controuvés peut-être, mais dont le récit n’en atteste pas moins la sévérité du général. Certes il dut être ferme et inexorable pour les grandes fautes, celui qu’on supposait si rigoureux pour les plus légères.

19

Au reste, la terreur de cette discipline produisit sur nous et sur l’ennemi deux effets opposés : elle accrut le courage des Romains ; elle brisa l’orgueil des barbares. Les Frisons, toujours rebelles ou prêts à le devenir depuis la révolte qui avait commencé par la défaite d’Apronius, donnèrent des otages et se renfermèrent dans le territoire qui leur fut assigné par Corbulon. Ce général établit chez eux un sénat, des magistrats, des lois ; et, pour s’assurer de leur obéissance, il éleva