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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/265

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de presser l’exécution. Évodus court aux jardins, et, arrivé le premier, il trouve Messaline étendue par terre, et Lépida, sa mère, assise auprès d’elle. Le cœur de Lépida, fermé à sa fille tant que celle-ci fut heureuse, avait été vaincu par la pitié en ces moments suprêmes. Elle lui conseillait de ne pas attendre le fer d’un meurtrier, ajoutant que la vie avait passé pour elle, et qu’il ne lui restait plus qu’à honorer sa mort. Mais cette âme, corrompue par la débauche, était incapable d’un effort généreux. Elle s’abandonnait aux larmes et à des plaintes inutiles, quand les satellites forcèrent tout à coup la porte. Le tribun se présente en silence ; l’affranchi, avec toute la bassesse d’un esclave, se répand en injures.

Mort de Messaline

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Alors, pour la première fois, Messaline comprit sa destinée. Elle accepta un poignard, et, pendant que sa main tremblante l’approchait vainement de sa gorge et de son sein, le tribun la perça d’un coup d’épée. Sa mère obtint que son corps lui fût remis. Claude était encore à table quand on lui annonça que Messaline était morte, sans dire si c’était de sa main ou de celle d’un autre. Le prince, au lieu de s’en informer, demande à boire et achève tranquillement son repas. Même insensibilité les jours qui suivirent : il vit, sans donner un signe de haine ni de satisfaction, de colère ni de tristesse, et la joie des accusateurs, et les larmes de ses enfants. Le sénat contribua encore à effacer Messaline de sa mémoire, en ordonnant que son nom et ses images fussent ôtés de tous les lieux publics et particuliers. Narcisse reçut les ornements de la questure, faible accessoire d’une fortune qui surpassait celle de Calliste et de Pallas. Ainsi fut consommée une vengeance, juste sans doute, mais qui eut des suites affreuses, et ne fit que changer la scène de douleur qui affligeait l’empire.


Fin du Livre XI