Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/156

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ses scrupules et sa raison, il s’est fait croire qu’il pouvoit tourner ces peintures voluptueuses au profit de la morale et de la vertu. Quelque bonnes que soient ses intentions, on est tenté de le comparer à un prédicateur qui, prêchant contre un vice aimable, en feroit la peinture avec tant de soin et de vérité qu’elle feroit plus d’impression sur ses auditeurs, que tout ce qu’il diroit pour les corriger. S’il moralise les sujets licencieux, son imagination adoucit les sujets les plus tristes ; et les idées, chez lui, affoiblissent toujours les sentimens, et mettent trop de recherche à la place de la simple imitation de la nature.

Poëte ingénieux dans les plaisirs, il l’est aussi dans les peines ; ses soupirs sont cadencés, et ses malheurs sont des rêves : ce défaut a pourtant ses charmes. Didon s’est donnée la mort : dans un lieu entouré de cyprès, il la représente courant se précipiter dans un tombeau ; une épée lui traverse le cœur, d’une main elle tient des branches de cyprès, de l’autre elle entraîne l’Amour au désespoir, dont le carquois renversé laisse échapper les flèches, et dont les pieds foulent les balances de la justice, et les tables des lois : l’implacable Némésis, armée d’une torche enflammée