Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/253

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foible, qui se trouvent à côté du bûcher, on ne sait pourquoi, doivent refroidir l’intérêt du sujet : ce tableau cependant est un de ceux qui font sur l’âme l’impression la plus profonde. Le groupe de la Sainte Martyre est si beau, si sublime, qu’il subjugue d’abord, et empêche de s’arrêter sur le reste ; le spectateur ému, entraîné, n’aperçoit que ce contraste déchirant du bourreau et de la jeune victime ; il ne voit que cet homme affreux qui, avec la seule expression de l’habitude de la cruauté, enfonce froidement un large poignard dans le sein d’une Vierge pure ; il ne voit que la beauté de la Sainte, dont l’attitude fait sentir son triomphe sur la douleur ; il n’est frappé que de l’expression attendrissante de cette tête, où la pâleur, la langueur de la mort se trouvent réunies au feu sacré d’un ravissement céleste. Eh ! qui peut, en effet, intéresser davantage qu’une jeune fille, belle, vertueuse, chère sans doute à l’amitié, à l’amour, abandonnant sans regret ce monde au moment où elle pouvoit s’y enorgueillir de tant de triomphes si flatteurs, et livrant avec joie au fer mortel son sein virginal, asile des grâces et de la pudeur.