Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/142

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la caserne. Aucun d’eux n’a le courage de travailler, d’étudier pour soi ; très peu ont celui d’aller dans le monde. Ils s’ennuient, se chamaillent, se résignent solitairement.

La seule consolation, c’est l’habit sanglé, propret, et l’épaulette qui leur donne la considération. L’État ne peut pas faire davantage ; le budget de la guerre est déjà si gros ! Et tout le monde ne peut pas être colonel. On n’avance qu’au détriment d’autrui. Là aussi se retrouve le trait notable de la démocratie ; on s’étouffe, c’est le « struggle for life » de Darwin.

On me conduit à la caserne. Les soldats ont leurs petits lits serrés l’un contre l’autre, à peine séparés par un pied et demi de distance. Leurs sacs sont sur une planche suspendue par derrière, leurs fusils sont accrochés au mur. Une seule couverture ; on change les draps une fois par mois. — Peu d’air ; cela ressemble à la prison de Poissy. Ils font eux-mêmes leur cuisine, etc… On leur livre la viande à moitié prix. Un soldat coûte à l’État sept sous par jour, plus le pain. En tout, compris les habits, etc., trois cent soixante-cinq francs par an. Vous comprenez