Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/276

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Une douce clarté se pose sur la lande moite, et les bruyères rouges, les ajoncs et les pissenlits jaunes, les bouquets effilés des genêts, parsèment la vieille verdure primitive de tons nuancés, aussi soyeux et aussi fondus que ceux d’un tapis riche. C’est un étrange plaisir pour l’œil que cette végétation libre, avec le pêle-mêle de ses dessins colorés sur son fond terne. — Une vague odeur imperceptiblement suave s’en exhale. La lourde abondance de la récolte utile paraît grossière à côté de ces finesses de la nature sauvage.

Sapins épars sur la lande écorchée, marécages dormants étoilés de vert et de blanc par les tiges fourmillantes et les petites têtes neigeuses des herbes innombrables. — Champs de seigle dépouillés dont il ne reste que le chaume d’un jaune noircissant ; enclos de pierres amoncelées, mais plus souvent de terre relevée où pullulent et s’entrelacent les ajoncs centenaires quelquefois hauts comme un homme, rugueux, hérissés, s’entassant les uns sur les autres, dépassant les vieilles pousses poudreuses et mortes par leurs bouquets nouveaux multipliés,