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— II —

Séance publique du 30 août 1855.

RAPPORT DE M. VILLEMAIN.

« .... Cette fois l’Académie avait désigné, pour sujet d’un tel travail, un des plus grands maîtres do la narration antique, ou plutôt du génie historique, dans tous les temps ; car les diversités de mœurs et de costume, les accidents de climats et d’institutions laissent trop de place à l’homme lui-même, à l’inépuisable fonds des passions humaines, pour que l’art de les pénétrer et de les peindie aujourd’hui ne soit pas encore, dans sa multiple richesse, ce qu’il était il y a deux mille ans. De même que la statuaire hellénique avait su enfermer et faire saillir, sous la perfection majestueuse de la forme, toutes les émotions de l’âme, ainsi les grands historiens de la Grèce et de Rome, sous cette beauté d’éloquence que parfois on leur reproche, et qui est une portion de leur vérité même, ont ineffaçableraent gravé les traits toujours renaissants de la grandeur virile ou de l’abaissement moral, aux prises avec l’ambition, la gloire, la liberté, l’esclavage. Se pénétrer de leurs récits, c’est apprendre la vie publique ; c’est plus encore, c’est étudier, avec le génie des époques différentes, la nature de l’homme, les lois auxquelles il n’échappe jamais, et qui sont comme les conséquences de cette nature même, et les volontés de Dieu sur elle.

« Une telle étude est vaste ; et l’examen qu’avait demandé l’Académie sur Tite Live n’était rien moins qu’un livre de critique savante, de philosophie appliquée au droit public et à la morale, d’art oratoire et de goût. Ces conditions élevées et diverses ont été pres-