Page:Taine - Essai sur Tite Live, 1888.djvu/288

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dement. Le peuple lui-même, qui a le souverain pouvoir en toute chose, quand un général, par témérité ou incapacité, a perdu une armée, s’est toujours, dans sa colère, contenté de le punir par une amende ; jusqu’à ce jour, on n’a fait à aucun chef une affaire capitale d’un mauvais succès. Maintenant qu’il s’agit d’un général romain vainqueur, d’un homme qui a mérité les plus beaux triomphes, on fait ce qui ne serait pas permis même contre des vaincus, on lève sur lui les verges et les haches. Qu’aurait-on fait soulfrir à son fils, s’il avait perdu son armée, s’il avait été battu, mis en fuite, dépouillé de son camp ? La violence de Papirius pouvait-elle s’emporter plus loin que les coups et la mort ? Gomme il serait convenable que la cité fût, grâce à Fabius, dans la joie, la victoire, les supplications, les félicitations, et que celui-ci, grâce auquel les temples des dieux sont ouverts, les autels fument de sacrifices, sont comblés d’offrandes, soit mis à nu et déchiré de verges, sous les yeux du peuple romain, tournant ses regards vers le Gapitole et la citadelle,’ et les dieux qu’il n’a pas en vain implorés dans ses deux combats ! Dans quels sentiments l’armée qui a vaincu sous sa conduite et sous ses auspices supporterait-elle ce spectacle ? Quel deuil dans le camp romain ! quelle joie parmi les ennemis ! »