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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


celui qui fait rentrer beaucoup d’argent. Il n’a pas le droit d’être généreux aux dépens de son maître, et il est tenté d’exploiter à son profit les sujets de son maître. En vain la molle main seigneuriale voudrait être légère ou paternelle, la dure main du mandataire pèse sur les paysans de tout son poids, et les ménagements d’un chef font place aux exactions d’un commis. — Qu’est-ce donc lorsque, sur le domaine, au lieu d’un commis, on trouve un fermier, un adjudicataire qui, moyennant une somme annuelle, a acheté du seigneur l’exploitation de ses droits ? Dans l’élection de Mayenne[1], et certainement aussi dans beaucoup d’autres, les principaux domaines sont affermés de la sorte. D’ailleurs il y a nombre de droits, comme les péages, la taxe des marchés, le droit du troupeau à part, le monopole du four et du moulin banal, qui ne peuvent guère être exercés autrement ; il faut au seigneur un adjudicataire qui lui épargne les débats et les embarras de la perception[2]. En ce cas si fréquent, toute l’exigence et toute la rapacité de l’entrepreneur, décidé à gagner ou tout au moins à ne pas perdre, s’abattent sur les paysans : « C’est un loup ravissant, dit Renauldon, que l’on lâche sur la terre, qui en tire jusqu’aux derniers sous, accable les sujets, les réduit à la mendicité, fait déserter les cultivateurs, rend odieux le maître qui se trouve forcé de tolérer ses exactions, pour le faire jouir. » Imaginez, si vous

  1. Tocqueville, ib., 405. — Renauldon, ib., 628.
  2. L’exemple est donné par le roi, qui vend aux fermiers généraux, moyennant une somme annuelle, l’exploitation des principaux impôts indirects.
  anc. rég. i.
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