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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/142

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L’ANCIEN RÉGIME


de la nation. » — Quantité d’officiers nobles, voyant que les hauts grades ne sont que pour les courtisans, quittent le service et vont porter leur mécontentement dans leurs terres. D’autres, qui ne sont point sortis de leur domaine, y couvent dans la gêne, l’oisiveté et l’ennui leurs ambitions aigries par l’impuissance. En 1789, dit le marquis de Ferrières, la plupart sont « si las de la cour et des ministres qu’ils sont presque des démocrates ». Du moins « ils veulent retirer le gouvernement à l’oligarchie ministérielle entre les mains de laquelle il est concentré ». Point de grands seigneurs pour députés ; ils les écartent et « les rejettent absolument, disant qu’ils trafiqueraient des intérêts de la noblesse » ; eux-mêmes, dans leurs cahiers, ils insistent pour qu’il n’y ait plus de noblesse de cour.

Mêmes sentiments dans le bas clergé, et encore plus vifs ; car il est exclu des hautes places, non seulement comme inférieur, mais encore comme roturier[1]. Déjà en 1766, le marquis de Mirabeau écrivait : « Ce serait faire injure à la plupart de nos ecclésiastiques à prétentions que de leur proposer une cure. Les revenus et les distinctions sont pour les abbés commendataires, pour les bénéficiers à simple tonsure, pour les nombreux chapitres ». Au contraire, « les vrais pasteurs des âmes, les coopérateurs dans le saint ministère ont à peine une subsistance ». La première classe,

  1. Éphéméride du citoyen, II, 200, 203. — Voltaire, Dictionnaire philosophique, article Curé de campagne. — L’abbé Guettée, Histoire de l’Église de France, XII, 130.