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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


plus ou moins difficiles à soumettre, et qui, avant de se soumettre, ensuite pour rester soumis, stipulaient des conditions. De là, en France, tant de conditions différentes : chaque corps distinct s’était rendu par une ou plusieurs capitulations distinctes et possédait ainsi son statut à part. De là, en France, des conditions si diversement inégales : bien entendu, les corps les plus capables de se défendre s’étaient défendus le mieux, et leur statut, écrit ou non écrit, leur garantissait des privilèges précieux que les autres corps, plus faibles, n’avaient pu acquérir ou conserver, non seulement des immunités, mais aussi des prérogatives, non seulement des allègements d’impôt et des dispenses de la milice, mais aussi des libertés politiques et administratives, des débris de leur souveraineté primitive, des restes de leur antique indépendance, quantité d’avantages positifs, à tout le moins des distinctions, des préséances, des préférences, une supériorité sociale, un droit incontesté aux grades et aux honneurs, aux places et aux grâces. Tels étaient notamment les pays d’états, comparés aux pays d’élection, les deux premiers ordres, clergé et noblesse, comparés au tiers état, les bourgeoisies et corporations des villes, comparées au reste des habitants. Par contre, en face de ces favoris de l’histoire, il y avait les déshérités de l’histoire, ceux-ci bien plus nombreux et par millions, les simples taillables, les sujets sans qualité ni rang, bref le commun des hommes, en particulier le menu peuple des villes et surtout des campagnes, d’autant plus foulé que sa condition était plus