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LE RÉGIME MODERNE


sourd et permanent de toute la classe ou catégorie. Le Premier Consul se ferait tort à lui-même s’il restreignait sa faculté de choisir : il a besoin de toutes les capacités disponibles, et il les prend où elles se trouvent, à droite, à gauche, en haut, en bas, pour enrôler dans ses cadres et à son service toutes les ambitions légitimes et toutes les prétentions justifiées.

Sous la monarchie, une naissance obscure fermait aux hommes, même les mieux doués, l’accès des premières places ; sous le Consulat et l’Empire, les deux premiers personnages de l’État sont un ancien secrétaire de Maupeou, traducteur fécond[1], et un homme de loi, jadis conseiller dans un tribunal de province, Lebrun et Cambacérès, l’un troisième consul, puis duc de Plaisance et architrésorier de l’Empire, l’autre, second consul, puis duc de Parme et archichancelier de l’Empire, l’un et l’autre princes ; pareillement les maréchaux sont tous des hommes nouveaux et des officiers de fortune, quelques-uns nés dans la petite noblesse ou dans la médiocre bourgeoisie, la plupart dans le peuple ou même dans la plèbe et dans les derniers rangs de la plèbe : Masséna, fils d’un marchand de vin et d’abord mousse, puis soldat et sous-officier pendant quatorze ans ; Ney, fils d’un tonnelier ; Lefebvre, fils d’un meunier ; Murat, fils d’un aubergiste ; Lannes, fils d’un garçon d’écurie ; Augereau, fils d’un maçon et d’une fruitière. — Sous la République, une naissance illustre

  1. Napoléon, voulant le juger, disait à Rœderer : « Envoyez-moi ses livres. — Mais ce sont des traductions. — Je lirai ses préfaces. »