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LE RÉGIME MODERNE


membre du Comité de Salut public, est préfet à Mayence ; Merlin de Douai, qui fut le rapporteur de la loi contre les suspects, est procureur général à la cour de cassation ; Fouché, dont le seul nom dit tout, est ministre d’État et duc d’Otrante ; presque tous les survivants de la Convention sont juges de première instance ou d’appel, receveurs des finances, députés, préfets, consuls à l’étranger, commissaires de police, inspecteurs aux revues, chefs de bureau dans la poste, les douanes, les droits réunis ou l’enregistrement, et, parmi ces fonctionnaires du nouveau régime, on compte, en 1808, cent trente et un régicides[1].

II

Faire son chemin, avancer, parvenir, telle est maintenant la pensée qui domine dans l’esprit des hommes. Avant 1789, elle n’y était pas souveraine, elle y rencontrait des rivales, elle ne s’était développée qu’à demi, elle n’avait pu plonger ses racines à fond, accaparer tout le travail de l’imagination, absorber la volonté, occuper l’âme entière ; c’est que l’air et l’aliment lui manquaient. Sous l’ancienne monarchie, l’avancement était limité, d’abord parce qu’elle était ancienne et que, dans tout ordre qui n’est pas nouveau, chaque génération nouvelle trouve les places prises, ensuite parce que, dans ce vieil ordre fondé sur l’hérédité et la tradition, les vacances futures étaient remplies d’avance. Dans le

  1. La Révolution, tome VI, 146 (note).