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L’ÉGLISE


catholique n’en disconvient pas : elle se qualifie d’Église romaine ; elle écrit et prie encore en latin ; sa capitale est toujours Rome ; son chef a pour titre le nom qui jadis à Rome désignait le chef du culte païen ; depuis 1378, tous les papes, sauf cinq, et depuis 1523, tous les papes ont été des Italiens ; aujourd’hui, dans le sacré collège, sur soixante-quatre cardinaux, trente-cinq sont aussi des Italiens. — L’empreinte romaine devient plus visible encore si l’on compare les millions de chrétiens qui sont catholiques aux millions de chrétiens qui ne le sont pas. Parmi les annexes primitives et les acquisitions ultérieures de l’Église romaine, plusieurs se sont détachées d’elle ; ce sont les pays dont les populations grecques, slaves, germaniques n’ont point parlé latin et ne parlent pas une langue dérivée du latin. Seules ou presque seules, la Pologne et l’Irlande lui sont restées fidèles, parce que, chez elles, sous la longue pression des calamités publiques, la foi catholique s’est incorporée au sentiment national. Ailleurs l’alluvion romaine était nulle ou s’est trouvée trop mince. Au contraire, tous les peuples qui jadis ont été latinisés à fond demeurent catholiques ; quatre siècles d’administration impériale et d’assimilation romaine ont déposé en eux une couche d’habitudes, d’idées et de sentiments, qui subsiste[1]. Pour mesurer la puissance de cette couche historique, il suffit de remarquer que trois éléments la

  1. Cf. Fustel de Coulanges, la Gaule romaine, 96 et suivantes, sur la rapidité, la facilité et la profondeur de la transformation par laquelle la Gaule se latinisa.