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LE RÉGIME MODERNE

II

Tel est l’objet de Napoléon : « Dans l’établissement d’un corps enseignant, dit-il lui-même[1], mon but principal est d’avoir un moyen de diriger les opinions politiques et morales. » Plus précisément encore, il compte sur la nouvelle institution pour se faire dresser et tenir à jour un répertoire de police universel et complet. « Il faut constituer ce corps de manière à avoir des notes sur chaque enfant depuis l’âge de neuf ans. » Ayant saisi les adultes, il veut saisir aussi les enfants, surveiller et faire d’avance les Français futurs ; élevés par lui, sous sa main ou sous ses yeux, ils seront des auxiliaires tout dressés, des sujets dociles, plus dociles que leurs parents. Chez ceux-ci, il y a trop d’âmes encore insoumises et réfractaires, trop de royalistes et trop de républicains ; de famille à famille, les traditions domestiques se contredisent ou divergent, et les enfants ne croissent à domicile que pour se heurter plus tard dans le monde. Prévenons ce conflit, préparons-les à la concorde ; élevés tous de la même façon et dans le même esprit, ils se trouveront un jour unanimes[2], non seule-

  1. Pelet de la Lozère, 161 (Paroles de Napoléon au Conseil d’État, 11 mars 1806).
  2. A. de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur, 4 vol. (Rapport de Fourcroy au Corps législatif, 6 mai 1806.) « De quelle importance n’est-il pas… que le mode d’éducation reconnu comme le meilleur joigne à cet avantage celui d’être uniforme pour tout l’Empire, de donner les mêmes connaissances, d’inculquer les mêmes principes à des