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L’ÉGLISE


par l’évêque du diocèse ou l’abbé du voisinage, tantôt par des collateurs indépendants, par le titulaire[1], par un patron laïque, par un chapitre, par une commune, par un indultaire, par le pape, et le traitement de chaque titulaire, grand ou petit, était sa propriété privée, le produit annuel d’une terre ou créance administrée par lui et attachée à son office. Aujourd’hui, tout titulaire, depuis le cardinal-archevêque jusqu’au chanoine, au curé de canton, au directeur ou professeur de séminaire, est nommé ou agréé par le pouvoir civil, lui jure fidélité, et son traitement, inscrit au budget, n’est qu’un salaire d’employé public, tant de francs et centimes qu’il vient toucher à la fin de chaque mois chez le trésorier-payeur, en compagnie d’autres, ses collègues, que l’État emploie dans les cultes non catholiques, en compagnie d’autres, ses quasi-collègues, que l’État emploie dans l’Université, dans la magistrature, dans la gendarmerie ou dans la police[2]. — Tel est,

  1. L’abbé Sicard, les Dispensateurs des bénéfices ecclésiastiques (dans le Correspondant du 10 septembre 1889, 883). Un bénéfice était alors une sorte de patrimoine que le titulaire, vieux ou malade, résignait souvent à quelqu’un de ses parents : « Un canoniste du XVIIIe siècle dit que la résignation emportait le tiers des bénéfices. »
  2. Comte d’Haussonville, III, 438 (Récit de M. Pasquier, préfet de police). — Au mois d’octobre 1810, il rencontre dans les corridors de Fontainebleau le cardinal Maury, qui vient d’être nommé archevêque de Paris, et le cardinal lui dit : « Eh bien ! l’empereur vient de satisfaire aux deux plus grands besoins de sa capitale : avec une bonne police et un bon clergé, il peut être toujours sûr de la tranquillité publique ; car un archevêque c’est aussi un préfet de police ».