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LE RÉGIME MODERNE


gros bourg ou de la petite ville natale, où il vivait à l’aise près de sa famille, à quelque paroisse misérable, à tel village perdu dans les bois ou dans la montagne, sans maison curiale ni casuel ; bien mieux, il le casse aux gages, il lui retire les 500 francs de traitement alloués par l’État, il l’expulse du logement fourni par la commune, il le met à pied sur la grande route, sans viatique, même temporaire, exclu du ministère ecclésiastique, déconsidéré, déclassé, vagabond dans le grand monde laïque, dont il a désappris les voies et dont toutes les carrières se ferment devant lui ; désormais, et à perpétuité, le pain lui est ôté de la bouche ; quand il l’a pour la journée, il ne l’a pas pour le lendemain. Or, chaque trimestre, la liste des succursalistes à 500 francs, dressée par l’évêque, doit être ordonnancée par le préfet ; dans le haut cabinet, près de la cheminée où s’étalent les cartes cornées de tous les personnages considérables du département, devant le buste de l’empereur, les deux délégués de l’empereur, ses deux gérants autoritaires et responsables, les deux surveillants surveillés de la circonscription, confèrent entre eux sur le personnel ecclésiastique du département ; en ceci, comme dans le reste, ils sont et se sentent tenus d’en haut, de court, et forcés, bon gré mal gré, de s’entendre. Collaborateurs obligés et, par institution, auxiliaires l’un de l’autre pour le maintien de l’ordre établi, ils lisent ensemble, article par article, la liste nominative de leurs subordonnés communs ; si quelque nom y est mal noté, si quelque succursaliste est bruyant, incommode