Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


« bon marché », ils sourient du peu ; cette Constitution ne donne pas assez à la liberté ; surtout elle n’est pas conforme aux principes. — Et notez que nous sommes ici chez un grand seigneur, dans un cercle d’hommes éclairés. À Riom, aux assemblées d’élection[1], Malouet voit « de petits bourgeois, des praticiens, des avocats sans aucune instruction sur les affaires publiques, citant le Contrat Social, déclamant avec véhémence contre la tyrannie, et proposant chacun une Constitution ». La plupart ne savent rien et ne sont que des marchands de chicane ; les plus instruits n’ont en politique que des idées d’écoliers. Dans les collèges de l’Université, on n’enseigne point l’histoire[2]. « Le nom de Henri IV, dit Lavalette, ne nous avait pas été prononcé une seule fois pendant mes huit années d’études, et, à dix-sept ans, j’ignorais encore à quelle époque et comment la maison de Bourbon s’est établie sur le trône. » Pour tout bagage, ils emportent, comme Camille Desmoulins, des bribes de latin, et ils entrent dans le monde, la tête farcie « de maximes républicaines », échauffés par les souvenirs de Rome et de Sparte, « pénétrés d’un profond mépris pour les gouvernements monarchiques ». Ensuite, à l’École de Droit, ils ont appris un droit abstrait, ou n’ont rien appris. Aux cours de Paris, point d’auditeurs ; le professeur fait sa leçon devant des copistes qui vendent

  1. Malouet, Mémoires, I, 279.
  2. Lavalette, I, 7. — Souvenirs manuscrits par le chancelier Pasquier : — Cf. Brissot, Mémoires, I.